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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/675

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dessins de William Wilkins, cet édifice surbaissé borne tristement Trafalgar-Square avec ses raides escaliers de pierre, son froid péristyle et ses dômes mesquins en forme de lanternes. Heureusement pour l’honneur de l’Angleterre, la ville de Londres et les environs possèdent beaucoup d’autres galeries de peinture. Entre la France et la Grande-Bretagne, il y a ici, comme sur tant d’autres points, la différence de deux systèmes, — d’un côté la centralisation, — de l’autre l’ubiquité. Qui a vu le musée du Louvre peut se former une idée assez exacte des chefs-d’œuvre qui nous appartiennent ; quiconque n’a vu à Londres que la National Gallery ne connaît presque rien des merveilles que possèdent nos voisins.

Sans sortir de Londres, il y a d’abord, dans Lincoln’s-Inn-Fields, le Soane Museum, riche collection léguée au public par sir John Soane, un architecte qui a bâti lui-même la maison habitée maintenant par des tableaux. L’intérieur de ce musée présente une succession de petites salles, de petits corridors, de petits cabinets, de petites chambres à coucher d’une forme étrange, et qui portent des noms encore plus bizarres, le Parloir du moine, les Catacombes, la Chambre sépulcrale, la Crypte, l’Alcôve de Shakspeare, le Coin de Tivoli. Tout cela est couvert de peintures depuis les murs jusqu’aux plafonds. On a comparé ce musée avec ses passages étroits et mystérieux, ses recoins, ses détours de labyrinthe, à l’intérieur d’une mine dont les veines se ramifieraient comme au hasard, offrant, à défaut de minerais précieux, des trésors d’art. Là en effet se montrent des cartons et des toiles d’un prix inestimable. La Vernon Gallery est un autre cadeau fait au pays par un Anglais riche et un homme de goût, M. Vernon, qui vers 1847 crut remplir une lacune en ouvrant aux visiteurs une galerie où ils pussent étudier l’histoire de la peinture britannique. Je passe sous silence beaucoup d’autres établissemens, tels que le Kensington Museum, que l’on doit pourtant visiter à Londres, si l’on tient à se former une idée de l’importance qu’attachent les Anglais à la possession des objets d’art[1]. À quelques milles de Londres se rencontrent, dans diverses directions, la galerie de Hampton Court, où l’on admire des cartons de Raphaël, le château de Windsor, célèbre par ses peintures, la Salle des Tableaux à l’hôpital de Greenwich, où revivent plus ou moins heureusement sur la toile

  1. Il doit suffire de nommer la collection de la Société pour l’encouragement des beaux-arts et des manufactures (Society of arts), où les curieux peuvent visiter les six fameux tableaux de James Barry, lesquels d’ailleurs ne justifient point absolument leur réputation, — la grande salle des chirurgiens (Barber-surgeons’ hall), où figure une des plus belles toiles de Holbein, — l’hôpital des enfans trouvés (Foundling hospital), dont les portraits et les tableaux de genre ont constitué depuis longtemps une source de richesses, car ils appellent vers l’établissement les visites et les charités, — enfin la galerie de la reine au palais de Buckingham.